decorative image
Mémoires
Association des banquiers canadiens

Mémoire de l’ABC sur l’examen du cadre d’assurance‑dépôts

Article

L’Association des banquiers canadiens (ABC)1 est reconnaissante pour cette occasion de transmettre au ministère des Finances le point de vue du secteur sur le cadre d’assurance‑dépôts du Canada.

L’ABC et ses membres seront ravis de rencontrer le ministère des Finances si des éclaircissements au sujet du mémoire soumis dans le cadre de la présente consultation sont nécessaires.

Remarques générales

Le système bancaire canadien est l’un des systèmes bancaires les plus sûrs, les plus solides et les plus fiables. Fréquemment classé parmi les plus stables mondialement, il est partout reconnu pour sa stabilité et sa résilience. Grâce à la diversité de leurs activités, à leurs pratiques de prêt prudentes, ainsi qu’à une supervision et à une réglementation des plus rigoureuses, aucune banque canadienne n’a déclaré faillite au cours des 40 dernières années. Et seulement trois ont failli au cours des cent dernières années.

Le Canada bénéficie déjà d’un cadre de protection solide contre la faillite des banques, dont on a poursuivi le renforcement depuis la crise financière mondiale en y introduisant un certain nombre d’initiatives réglementaires, dont les suivantes :

  • Exigences de fonds propres plus élevées et de meilleure qualité, assorties de critères stricts (p. ex., catégorie 1, fonds propres d’urgence en cas de non‑viabilité)
  • Exigences plus rigoureuses en matière de liquidités
  • Augmentation des ratios de levier
  • Exigences étendues en matière de redressement et de règlement des faillites au Canada comme à l’échelle mondiale, y compris des tests, de nombreux manuels et des procédures permanentes de gestion de crise
  • Augmentation des divulgations bancaires

Ces améliorations et d’autres outils de prévention se sont révélés efficaces, comme en témoigne le rendement du secteur bancaire durant la pandémie de COVID‑19, ainsi que lors de la crise des banques aux États‑Unis en 2023, qui a notamment entraîné la faillite de la Silicon Valley Bank. Les modifications proposées au système d’assurance‑dépôts auraient un effet négligeable sur la réduction des risques de faillite ou de contagion, qui sont déjà minimes.

De l’avis de l’ABC, il n’y a généralement pas assez de preuves pour justifier ces modifications. Le système actuel d’assurance‑dépôts permet aux consommateurs de cumuler, auprès d’une même institution membre, des dépôts dans toutes les catégories assurées par la SADC, ce qui leur assure une couverture pouvant atteindre 900 000 $, soit l’une des limites les plus élevées au monde. Les consommateurs peuvent également répartir leurs dépôts entre plusieurs institutions membres, ce qui les protège encore davantage du risque de faillite bancaire.

Le ministère des Finances doit faire attention à ne pas réorienter l’objectif de l’assurance‑dépôts de la prévention des ruées bancaires vers des compensations plus importantes dans le cas improbable de faillite. En réalité, une telle action représentera un écartement de la raison première de l’assurance‑dépôts, mènera à l’érosion de la discipline de marché et constituera une utilisation des ressources bancaires moins efficace que n’en auraient été avec des projets susceptibles de réduire le risque bancaire et de prévenir les ruées bancaires. Dans un scénario de crise, l’assurance‑dépôts peut être un outil moins efficace que les autres ressources du secteur financier pour freiner le retrait des dépôts. Ce fait est prouvé par l’expérience vécue aux États‑Unis, où des centaines de banques ont fait faillite malgré l’existence d’un plafond de l’assurance‑dépôts plus élevé. Une ruée sur les dépôts assurés s’est également produite récemment au Canada.

Au Canada, les décideurs sont aux prises avec un bilan de productivité médiocre. Dans un contexte où la croissance économique, l’innovation et une meilleure productivité sont des priorités stratégiques essentielles, il serait improductif d’augmenter les coûts et d’assujettir un système bancaire déjà sûr et stable à une demande accrue de ressources. Le rapport de consultation quantifie les avantages pour les différents groupes de parties prenantes sans préciser les coûts supplémentaires que les propositions imposeront aux banques et à leur clientèle, dont l’augmentation des primes ainsi que des changements considérables des coûts liés aux opérations, à la formation, aux systèmes, à la publicité, aux documents d’information et à la production de rapports.

De plus, en mettant l’accent sur des éléments du cadre qui sont quantitatifs et perceptibles, à savoir le plafond de couverture pour les différentes catégories de clientèle des banques, l’examen n’aborde pas de manière adéquate les modifications récentes, moins palpables, en matière de technologies et de communications, qui auront probablement une incidence beaucoup plus importante sur les ruées bancaires dans les années et les décennies à venir. L’aspect le plus remarquable des ruées bancaires de la Silicon Valley Bank en 2023 a été la rapidité inégalée avec laquelle ils ont eu lieu en raison des communications instantanées, des réseaux sociaux et de la possibilité de transférer promptement des fonds au moyen d’un appareil mobile. La propagation de la frayeur et la célérité des sorties de dépôts sont sans doute des préoccupations plus immédiates à l’ère des algorithmes de contenu, des téléphones intelligents omniprésents, de l’IA générative ou agentive (autonome), du système bancaire ouvert, des applications bancaires en ligne et des virements bancaires instantanés.

L’ABC est d’avis que le ministère des Finances, le BSIF et la SADC devraient mettre davantage l’accent sur l’élaboration d’outils et de plans d’intervention pour contenir la diffusion exponentielle de renseignements ou de faux renseignements et gérer le retrait rapide des dépôts. Autant le ministère des Finances que l’industrie bénéficieraient d’une consultation ciblée, d’une analyse de scénarios et d’une résolution créative des problèmes liés à ces questions urgentes.

Coûts de mise en œuvre

Les modifications apportées au cadre d’assurance‑dépôts entraîneront d’importants coûts de mise en œuvre. Il faudra prévoir au moins 24 mois pour la mise en œuvre, selon l’ampleur des modifications adoptées. Les domaines concernés sont, entre autres, la formation et les communications, les formulaires et les sites Web, les opérations, les technologies, la classification et la gouvernance des données, la production de rapports et l’éducation des consommateurs.

Le ministère des Finances devrait envisager une analyse globale des coûts et des avantages afin de déterminer l’incidence totale des propositions avant d’aller de l’avant. Avant d’être acceptée, chaque proposition doit idéalement démontrer un avantage net considérable à la fois pour l’économie, la stabilité financière et les clients des banques au Canada.

  1. Quelle est votre opinion à propos du fait que le ministère envisage d'augmenter le plafond de l'assurance‑dépôts à 150 000 $ par catégorie d'assurance‑dépôts? Une revue périodique du montant du plafond devrait‑elle être effectuée automatiquement?

La proposition d’augmenter le plafond de l’assurance‑dépôts à 150 000 $ suscite des divergences d’opinions au sein du secteur. L’analyse de cette question doit partir du principe que les déposants au Canada bénéficient actuellement d’un niveau élevé de couverture. Répartie entre neuf catégories de dépôts assurables, la couverture s’élève jusqu’à 900 000 $, et une couverture encore plus importante est possible en cumulant les dépôts dans plusieurs institutions membres. Dans ce contexte, une augmentation du plafond à 150 000 $ sera profitable à un nombre très limité de déposants (<2 %), principalement dans les segments de la clientèle très fortunée et ailleurs que dans le détail.

La décision d’augmenter les plafonds doit être prise en tenant compte des éléments suivants : (1) les décisions prises par rapport aux autres propositions abordées dans le présent rapport; (2) un contexte en matière de protection des dépôts qui s’est considérablement amélioré depuis la crise financière mondiale; (3) l’ensemble des initiatives réglementaires ayant une incidence sur le secteur bancaire que le gouvernement mène actuellement; (4) les conséquences qu’auront sur le marché les modifications du plafond de l’assurance‑dépôts. L’ABC et ses banques membres sont prêtes à collaborer avec le gouvernement pour trouver des solutions efficaces, fondées sur les données, qui améliorent la protection des déposants et renforcent la stabilité du système financier.

Examens périodiques

L’ABC soutient la mise en place d’un mécanisme d’examen périodique du cadre d’assurance‑dépôts, y compris de la stratégie d’établissement des primes, plutôt que de s’en remettre à des ajustements ponctuels. Les examens devraient avoir lieu à une fréquence prédéterminée (p. ex., tous les dix ans) ou à la suite d’un déclencheur établi (p. ex., si la couverture tombe en dessous d’un certain seuil) afin d’offrir un degré de certitude et de prévisibilité aux institutions membres.

Tout mécanisme doit prévoir des calendriers précis pour la consultation des parties prenantes, pour la mobilisation et pour la mise en œuvre. Comme abordé précédemment, les modifications apportées au cadre supposent un immense travail opérationnel et une complexité non négligeable, qui doivent être soigneusement planifiés et gérés. Les examens doivent être fondés sur des données et envisagés dans le respect du cadre financier global et des politiques d’assurance en vigueur.

  1. Quelle est votre opinion à propos du fait que le ministère envisage d'augmenter le plafond de l'assurance‑dépôts à 500 000 $ par catégorie pour les déposants autres que ceux de détail?

L’ABC estime que la création d’une nouvelle classe de déposants « autres que ceux de détail » et l’augmentation du plafond à 500 000 $ par catégorie pour cette classe ne sont pas justifiées. Il est extrêmement rare que les clients autres que ceux de détail se renseignent sur l’amélioration de la couverture des dépôts. La proposition est axée sur l’indemnisation des déposants autres que ceux de détail après une faillite, mais elle est inefficace pour empêcher les ruées bancaires, soit l’objectif principal de l’assurance‑dépôts. De plus, un plafond de 500 000 $ n’empêchera pas nécessairement les effets en aval attribuables à la perte de dépôts opérationnels, puisque ces dépôts sont généralement supérieurs à 500 000 $ pour la clientèle de grande valeur. Une proportion de 91,32 % des comptes admissibles des déposants autres que ceux de détail sont complètement protégés dans le cadre du régime actuel. Les déposants autres que ceux de détail qui le souhaitent peuvent répondre à leurs besoins en matière de sécurité des dépôts en cumulant la couverture entre les institutions membres et en adoptant une approche fondée sur le risque pour le choix de leur institution de dépôt.

Cette proposition crée une structure de dépôt à deux niveaux qui introduit des coûts et des complexités non négligeables pour un avantage minime. Elle pourra éloigner le cadre de l’objectif de simplification, créer de la confusion sur le marché et donner l’impression que les intérêts commerciaux bénéficient d’un traitement plus favorable au titre du cadre. La proposition peut désavantager les propriétaires de petites entreprises et les entrepreneurs qui gèrent des comptes en leur nom propre (c.‑à‑d., qui ne sont pas constitués en société). Ces groupes pourraient croire à tort qu’ils bénéficient d’une couverture d’assurance allant jusqu’à 500 000 $. Un sous-ensemble d’acteurs sophistiqués et motivés (et très probablement fortunés) peuvent « exploiter le système », par exemple en créant des sociétés‑écrans ou en déposant leurs fonds dans des fiducies afin d’atteindre des plafonds de couverture plus élevés. Comme des plafonds plus élevés entraînent des primes plus élevées, l’incidence sur les primes – et potentiellement sur les coûts pour les consommateurs – serait importante. Ces coûts plus élevés sont injustifiés compte tenu des exigences rigoureuses du cadre réglementaire financier actuel et de la sécurité des institutions de dépôt du Canada.

De plus, le segment des déposants autres que ceux de détail joue un rôle plus important que le segment de détail dans la surveillance des institutions en cas de prise de risque excessive. La capacité à faire respecter la discipline de marché varie généralement en fonction de la taille et de la sophistication des déposants. L’assurance des dépôts autres que ceux de détail pourrait donc générer des risques éthiques et compromettre la stabilité financière.

Il n’existe actuellement aucune définition standard de parties prenantes « autres que celles de détail » dans le secteur. Si le ministère des Finances adopte la proposition, une définition standard doit être élaborée afin de garantir une catégorisation précise et exhaustive. Par exemple, il n’est pas clair si les sociétés de technologies financières, les déposants commerciaux de grande valeur, les courtiers-fiduciaires et les fiduciaires généraux et professionnels sont considérés comme des parties prenantes de type « autre que celui de détail ».

Sur le plan opérationnel, la mise en œuvre de la proposition est complexe et difficile. Compte tenu de la volatilité des comptes opérationnels, la prime ne serait probablement pas représentative du solde du compte au 30 avril (chaque année).

Conformément aux données de l’étude menée par la SADC en 2024, nous pouvons estimer que plus de 95 % des petites et moyennes entreprises sont actuellement couvertes par le plafond de 100 000 $.

L’ABC est d’avis que le ministère des Finances peut élaborer une approche plus ciblée qui couvre la clientèle desservant le grand public, comme le secteur des municipalités, des universités, des écoles et des hôpitaux (MUÉH). Le ministère des Finances doit envisager de revoir la définition de « fiduciaire professionnel » afin d’élargir la couverture aux types de comptes ou de déposants délicats (p. ex., dépôts du secteur des MUÉH, dépôts de paie des entreprises). Si un déposant de fonds sensibles s’inscrit dans la catégorie de fiduciaire professionnel, la couverture des bénéficiaires et le traitement des paiements au moyen des mécanismes actuels seront facilités. Cela éliminerait le besoin d’introduire de nouveaux types de couverture dans le cadre ainsi que la charge administrative associée au suivi de types de couverture distincts. Cette option de politique n’ayant pas fait l’objet d’une proposition, elle n’a pas été examinée en profondeur par le secteur, mais elle mérite d’être considérée2.

L’ABC estime que la désignation de « fiduciaire professionnel »3 protégera les clients autres que ceux de détail, moins sophistiqués – mais importants pour le public – ciblés par le ministère des Finances.

  1. Quelle est votre opinion à propos du fait que le ministère envisage d'étendre la protection pour soldes élevés temporaires pour les déposants vivant des événements importants de la vie, comme il est proposé ci‑dessus?

L’ABC comprend l’intérêt en matière de politique publique pour une couverture des soldes temporairement élevés pour les déposants confrontés à des événements importants de la vie, mais estime que la complexité opérationnelle de la proposition, l’absence de demande de la clientèle pour cette couverture et la faible probabilité de faillite suggèrent que le cadre actuel est adéquat et que d’autres solutions dans le contexte actuel (p. ex., éducation de la clientèle) devraient avoir priorité. L’ABC ne soutient pas un système de couverture des soldes temporairement élevés qui fonctionne en amont, étant donné que les exigences opérationnelles complexes, intrusives et peu pratiques de cette proposition ne sont pas proportionnelles à ses avantages. L’ABC ne s’arrimerait avec l’élargissement de la couverture aux soldes temporairement élevés que si des conditions strictes étaient remplies (p. ex., centraliser toute la gestion et la vérification auprès de la SADC, harmoniser la couverture des soldes temporairement élevés avec celle des autres catégories d’assurance‑dépôts en prévoyant une protection supplémentaire de 100 000 $, effectuer le financement en aval). Néanmoins, ce n’est pas une couverture supplémentaire que les clients bancaires demandent. La proposition modifie aussi fondamentalement la mise en œuvre du système d’assurance‑dépôts, qui passe d’un système en amont à un nouveau en aval, et oblige les banques survivantes à subir les conséquences de la faillite de la banque. Les déposants bénéficient déjà d’une couverture pouvant aller jusqu’à 900 000 $. Cette portée de couverture n’existe pas dans les pays européens, où les plafonds d’assurance‑dépôts et la couverture des soldes temporairement élevés sont beaucoup plus faibles. La proposition envisage une solution en amont à l’échelle du secteur pour des événements rares qui peuvent être traités plus efficacement par une approche individualisée ou adaptée en aval. Même pour la SADC, la mise en œuvre de cette proposition serait difficile et complexe.

La gestion en amont de cette proposition nécessiterait d’importants changements dans les systèmes informatiques et une surveillance continue des opérations, ce qui serait complexe et peu pratique, et nécessiterait beaucoup de ressources. Étant donné la rareté des faillites, les coûts et le détournement des ressources des institutions qui seraient nécessaires à la mise en œuvre ne sont pas proportionnels aux avantages de la proposition.

En outre, la surveillance et la vérification des événements de la vie posent d’importants problèmes de protection de la vie privée. Dans sa forme actuelle, la proposition peut entrer en conflit avec la législation fédérale en matière de protection de la vie privée, comme la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Compte tenu du caractère sensible des renseignements, il conviendrait d’élaborer des lignes directrices sur les questions qui pourraient être posées à un demandeur.

Il faudrait aussi que le ministère des Finances fournisse des définitions claires et précises des événements de la vie et des périodes admissibles afin de garantir la cohérence et l’équité pour tous les déposants. La détermination de l’admissibilité devrait être simple.

La nécessité pour les clients de présenter des documents et le risque de litiges sur l’admissibilité pourraient entraîner des risques pour la réputation et une expérience négative pour la clientèle. La proposition accroît la complexité du cadre et peut créer de la confusion sur le marché, car les consommateurs peuvent éprouver des doutes quant au moment et aux circonstances dans lesquels ils bénéficieront d’une couverture. Selon le processus utilisé pour authentifier les événements de la vie, certains pourraient essayer de « profiter du système ».

Étant donné que les fonds fluctuent continuellement, il n’est pas clair comment les banques évalueraient la durée d’admissibilité des fonds à la couverture liée aux soldes temporairement élevés. Les règlements de dommages, les indemnités d’assurance et les règlements de divorce peuvent faire l’objet de paiements échelonnés, ce qui soulève des questions quant au début et à la fin de la période d’admissibilité. La surveillance de ces flux serait lourde et peu pratique. Le ministère des Finances aurait besoin de préciser avec soin les modalités de divulgation et d’évaluation des primes, qui seraient extrêmement difficiles à suivre d’avance compte tenu des fluctuations des dépôts au fil du temps.

Faut-il envisager un plafond d’assurance-dépôts illimité pour certains événements de la vie?

L’ABC ne recommande pas une couverture illimitée pour les événements de la vie. L’assurance‑dépôts illimitée n’est pas conforme aux pratiques exemplaires en matière d’assurance‑dépôts. Il conviendrait d’analyser les événements de la vie qui sont admissibles et l’incidence économique correspondante. La couverture serait avantageuse pour un nombre limité de personnes fortunées, ce qui ne correspond pas à l’objectif du cadre d’assurance‑dépôts. De plus, la promesse d’une couverture illimitée peut favoriser les abus du système.

  1. Quelle est votre opinion à propos du fait que le ministère envisage de simplifier les catégories d'assurance‑dépôts à quatre catégories en fusionnant les catégories de comptes enregistrés et libres d'impôts? Quelle est votre opinion à propos du fait d'accorder une protection d'assurance‑dépôts illimitée pour cette catégorie fusionnée?

L’ABC ne recommande pas de fusionner les catégories de comptes enregistrés et de comptes libres d'impôts ni d’offrir une assurance‑dépôts illimitée pour la catégorie fusionnée. La structure actuelle de 100 000 $ par catégorie est claire et bien comprise par la clientèle. Les clients ne mentionnent pas que le cadre actuel est trop difficile à comprendre. Le fait d’avoir plusieurs produits dans une même catégorie créera une confusion pour la clientèle et le personnel de première ligne, ce qui rendra plus difficile la compréhension et l’explication de la couverture, en particulier si seules certaines catégories bénéficient d’une couverture illimitée. Il est donc incertain que la mesure atteigne son objectif de « simplification ». De plus, il est difficile de justifier l’augmentation des coûts des primes dans le but premier de la simplification.

La fusion des catégories entraînerait des coûts informatiques importants et augmenterait la complexité de la production de rapports. Le fait d’avoir un produit par catégorie facilite la divulgation et le paiement des primes. Toute modification du système nécessiterait un délai de mise en œuvre important et une refonte complète des documents de formation et de communication, de la publicité physique et virtuelle, des formulaires et des sites Web, des systèmes de service et de dossiers de la clientèle, de la nomenclature établie et des cadres de production de rapports.

Une couverture illimitée avantagerait indûment les déposants fortunés et créerait de l’incertitude quant au paiement des primes. Une couverture illimitée pourrait également fausser le comportement des investisseurs, les incitant à se détourner des actions et d’autres produits de placement.

Ce changement permettrait à des tiers, comme les robots‑conseillers et les institutions financières non bancaires spécialisées en placements dans les instruments enregistrés, de commercialiser la couverture illimitée des dépôts4. La proposition pourrait également fausser le prix des obligations, car elle créerait un nouveau type d’actif sans risque à couverture illimitée qui n’existait pas auparavant sur le marché. Ce changement pourrait inciter le secteur de l’investissement à concentrer les dépôts enregistrés dans une seule banque ou auprès d’agrégateurs d’investissement qui peuvent assurer la couverture de l’ensemble du portefeuille.

L’assurance‑dépôts est un facteur déterminant dans les caractéristiques de retrait potentiel d’un dépôt dans le cadre du ratio de liquidité à court terme et du ratio de liquidité à long terme. Un facteur connexe qui influe sur la liquidité d’un dépôt assuré est la question de savoir si les fonds sont obtenus par l’intermédiaire d’un tiers. Même si les dépôts enregistrés représentent une part plus faible de l’ensemble du marché des dépôts, nous décourageons le ministre des Finances d’autoriser une assurance illimitée. Les institutions financières non bancaires tierces pourraient commercialiser cette assurance illimitée sur les liquidités détenues sur leurs plateformes sans avoir à gérer le risque de liquidité ou de taux d’intérêt des dépôts dans leur bilan. Nous craignons qu’une couverture illimitée ne modifie fondamentalement la répartition des actifs au sein de ces comptes, entraînant une augmentation des liquidités et une diminution des instruments à revenu fixe. Étant donné que ces dépôts seront finalement réintégrés dans le système bancaire traditionnel en tant que dépôt d’un tiers auprès d’une banque (mais à un taux de retrait considérablement plus élevé que si le dépôt était effectué directement auprès de la banque commerciale), cette incidence sur la répartition d’actifs pourrait conduire à la croissance de l’effet de levier parmi les banques et à des réserves de liquidités plus importantes détenues dans la dette publique (dans les bilans des banques) au lieu que ces liquidités soient investies dans des fonds communs de placement à revenu fixe avec une large exposition aux entreprises, aux provinces, à l’immobilier et à la dette souveraine au Canada. Tous ces facteurs étant égaux, cela peut avoir des conséquences négatives sur les coûts de financement dans l’ensemble de l’économie.

La comparaison que fait le ministère des Finances avec la couverture illimitée offerte par les coopératives de crédit de l’Île‑du‑Prince‑Édouard et de l’Ontario n’est peut‑être pas raisonnable, compte tenu de leur taille et de leur gamme de produits par rapport aux membres de la SADC. En effet, la couverture illimitée à l’échelle nationale est sans précédent parmi les pays de l’OCDE.

L’ABC est d’avis qu’une meilleure communication et une divulgation des catégories d’assurance pourraient être tout aussi efficaces pour renforcer la confiance, sans nécessiter une modification importante du système actuel.

  1. Quelle est votre opinion à propos du fait que le ministère envisage de renforcer les exigences en matière de divulgation afin d'exiger qu'une institution membre fournisse à ses clients des renseignements sur mesure expliquant le montant des dépôts assurés qui sont détenus à cette institution membre pour ces clients?

L’ABC n’est pas favorable à l’introduction de nouvelles obligations de divulgation pour les institutions membres afin de fournir aux clients des renseignements personnalisés sur le montant des dépôts assurés qu’ils détiennent en temps réel. Les clients ne demandent pas ce niveau de précision, la proposition n’est pas étayée par les résultats des évaluations mystères de la SADC, et l’absence de ces renseignements n’a généré aucune inquiétude généralisée.

L’ABC est reconnaissante du fait que le ministère des Finances réfléchisse au comportement des déposants dans une situation de panique. Toutefois, il est incertain si la proposition du ministère des Finances a une incidence importante sur les retraits5. En cas de panique, la plupart des déposants chercheraient‑ils à communiquer avec leur banque pour obtenir des renseignements sur leur couverture? Ou bien la plupart d’entre eux procéderaient‑ils à une simple comptabilisation mentale du solde de leurs comptes chèques ou d’épargne par rapport au plafond de dépôt? Un examen plus rigoureux et concret du comportement des déposants est nécessaire pour justifier les coûts importants associés à la mise en place d’un système de divulgation en temps réel.

L’ABC pense que l’accent devrait être mis sur l’amélioration des outils et du matériel éducatif plutôt que sur la mise en œuvre d’exigences complexes en matière de divulgation. Nous recommandons à la SADC de continuer à diriger la clientèle des institutions membres vers son calculateur afin d’éviter toute erreur de divulgation.

De plus, le fait d’imposer une exigence sur les institutions membres seulement et non sur les courtiers‑fiduciaires crée une situation incohérente pour les déposants, selon qu’ils traitent avec des institutions membres ou avec des courtiers‑fiduciaires.

Les dispositions actuelles du Règlement administratif de la Société d’assurance‑dépôts du Canada sur les renseignements relatifs à l’assurance‑dépôts indiquent aussi que les banques ne peuvent pas fournir de renseignements faux ou trompeurs sur la couverture de la SADC. L’obligation de fournir des renseignements sur mesure exigerait un niveau de précision laissant peu de place à l’erreur ou à l’interprétation. Comme les dépôts fluctuent continuellement et que les regroupements sont complexes, les renseignements fournis à la clientèle pourraient être trompeurs. L’information ne serait exacte qu’à un moment très précis, mais les déposants pourraient fonder leurs décisions financières sur les renseignements contenus dans la divulgation à une date ultérieure sans en comprendre pleinement l’incidence.

La production de relevés personnalisés serait dispendieuse et nécessiterait d’importants développements informatiques disproportionnels aux avantages offerts aux clients, étant donné que ces derniers ne demandent pas ces renseignements. Les systèmes actuels ne sont pas conçus pour fournir ce niveau de précision des renseignements : la complexité de l’agrégation des comptes conjoints, en copropriété, de fiduciaire et de bénéficiaire fait qu’il est très difficile de calculer avec précision le solde assuré exact détenu par un client donné. Par exemple, il est peu probable que les dépôts en fiducie (en particulier les fiducies professionnelles) ou détenus auprès d’un courtier‑fiduciaire soient clairement identifiés (c.‑à‑d., basés sur un identifiant de client unique) et, par conséquent, un aperçu complet de la couverture des dépôts auprès de cette institution membre serait incomplet.

Il incombe aux clients de connaître les produits qu’ils possèdent et l’entité auprès de laquelle ils sont placés. Les banques ne peuvent pas accéder facilement à cette information pour différentes raisons :

  1. Les banques n’auraient pas accès aux dossiers des clients des filiales, conformément aux politiques de confidentialité.
  2. Les clients auraient des comptes auprès de plusieurs conseillers et ne voudraient pas révéler cette réalité auxdits conseillers.
  3. Les banques ne sauraient pas si les clients détiennent des fonds auprès d’une société de technologies financières ou d’un autre fournisseur de services de paiement.

Comme les banques n’ont pas accès à tous les renseignements sur leurs clients pour des raisons de confidentialité entre leurs filiales, la proposition du ministère des Finances est en contradiction avec le cadre législatif canadien. Les banques ne seraient pas en mesure de mettre cette proposition en pratique, car elle violerait certaines de leurs obligations en matière de protection de la confidentialité et de la vie privée.

En résumé, le fait d’indiquer que des dépôts en particulier sont admissibles à la couverture de la SADC et de préciser la catégorie à laquelle ils peuvent appartenir constitue déjà une norme raisonnable. Le calcul en temps réel de la couverture d’un déposant pour l’ensemble des produits, des noms commerciaux, des filiales ou des agents de dépôt constituerait une tâche énorme, complexe et disproportionnée par rapport aux avantages procurés.

Énoncé de conclusion

Le secteur souhaite remercier le ministère des Finances de lui avoir donné l’occasion de formuler des commentaires sur ses propositions. L’ABC et ses membres seraient ravis de vous rencontrer pour discuter plus en détail le contenu du présent mémoire.


1 L’Association des banquiers canadiens est la voix de plus de 60 banques canadiennes et étrangères exerçant des activités au Canada et de leurs 280 000 employés. Elle est le point de contact central en matière d’enjeux bancaires nationaux pour les gouvernements et autres intervenants. L'ABC préconise l’adoption de politiques publiques qui favorisent le maintien d’un système bancaire solide et dynamique, capable d’aider les Canadiennes et les Canadiens à atteindre leurs objectifs financiers. cba.ca
2 Si le ministère des Finances choisit d’étudier davantage cette approche, il doit veiller à l’harmoniser avec le ratio de couverture des liquidités du BSIF.
3 Si la portée du concept de « fiduciaire professionnel » ne comprend pas entièrement ou clairement les dépôts de paie des entreprises ou du secteur des MUÉH, une nouvelle terminologie pourra être élaborée (p. ex., « compte sensible »).
4 Ces entités pourraient détourner les dépôts enregistrés assurés des banques (taux de retrait de 3 % pour le ratio de liquidité à court terme) vers leurs plateformes, puis réinvestir ces dépôts auprès des banques sous la forme de dépôts de tiers à un taux de retrait de 15 %. Cette réduction de 12 % des liquidités réduirait les fonds disponibles pour les prêts et pourrait augmenter le coût global des prêts pour les Canadiens. Il doit y avoir une limite quant au nombre de niveaux de désintermédiation possibles qui ne créent pas de véritable valeur économique.
5 Selon la nomenclature du psychologue Daniel Kahneman, lauréat du prix Nobel, la proposition est une solution de système 2 à un problème de système 1. (Le système 1 est une façon de penser émotionnelle et rapide, tandis que celle du système 2 est lente et délibérée; par exemple, reconnaître un visage [système 1] ou jouer aux échecs [système 2]. Voir Kahneman, Daniel (2011). Système 1, système 2 : Les deux vitesses de la pensée.)

 


Articles connexes