Bonjour! Je m’appelle Charles Docherty. Je suis l’avocat en chef adjoint à l’Association des banquiers canadiens. M’accompagne aujourd’hui Monsieur Bill Kennedy, vice‑président de l’Unité d’intervention à la Banque Nationale.
Nous sommes heureux de pouvoir comparaître devant vous aujourd’hui. L’ABC a déjà eu dans le passé des rencontres avec des comités parlementaires pour discuter de propositions similaires à celles que contient le projet de loi C‑253. Nous sommes donc conscients de la complexité de cet enjeu et des difficultés qu’il présente.
Permettez-moi de parler d’abord des défis financiers amenés par la COVID‑19. Au début de la pandémie en 2020, les banques du Canada ont collaboré de près avec le gouvernement fédéral, la Banque du Canada et les organismes de réglementation à la mise en oeuvre immédiate d’une série de mesures d’aide. Les banques ont aussi procédé à la reconversion de membres de leur personnel pour créer des programmes de soutien adaptés aux particuliers et aux petites entreprises afin d’aider ces groupes à gérer les incertitudes financières et de contribuer à amoindrir les effets économiques de la COVID‑19.
Les banques du Canada ont aidé près de 800 000 propriétaires grâce à un assouplissement des paiements hypothécaires et ont accordé un report de paiement des cartes de crédit à plus de 482 000 particuliers. Les banques ont collaboré avec le gouvernement canadien en vue de livrer, de façon efficace et sécuritaire, la Prestation canadienne d’urgence à plus de 3,4 millions de Canadiens. En plus, à travers le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, nous avons facilité l’octroi des prêts libres d’intérêt à plus de 877 000 petites entreprises. Les banques continueront à appuyer leurs clients et à créer des solutions adaptées qui favorisent une relance solide.
L’accès des entreprises à du crédit abordable leur permettant d’investir à long terme, déjà un facteur nécessaire à la croissance économique en temps normal, fait partie d’une relance économique solide.
Nous vous présentons aujourd’hui l’optique des institutions qui prêtent à des entreprises de toutes tailles dans l’ensemble des secteurs de l’économie. Un point essentiel du rôle des banques comme prêteur est la gestion soigneuse des risques, ce qui implique l’assujettissement un rigoureux régime réglementaire prudentiel. Fort conscientes de leurs responsabilités à cet égard, les banques du Canada prennent les décisions relatives aux prêts en tenant compte de plusieurs facteurs. Un des facteurs importants dans ces décisions est bien évidemment le cadre législatif et réglementaire actuel, qui comprend les dispositions de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.
Un objectif clé de la législation sur l’insolvabilité est la certitude qu’elle apporte aux marchés, une certitude qui favorise la stabilité et la croissance économiques. Au fil de plusieurs décennies, un équilibre délicat a été atteint dans l’ordre de priorité en matière de faillite. Dans sa décision quant à l’octroi d’un prêt à une entreprise, le prêteur doit tenir compte du risque que l’entreprise ne rembourse pas le prêt et du montant qui pourra être recouvré en cas de faillite de cette entreprise. Les propositions présentées dans le projet de loi obligeront les banques, et d’autres fournisseurs de fonds, à tenir compte, dans leurs décisions de financement d’une entreprise, des pertes potentielles associées aux engagements de retraite non capitalisés qui auront préséance en cas de faillite. Il s’en suivra un accès limité aux fonds et des coûts d’emprunt plus élevés.
Il serait très difficile pour un prêteur, comme pour tout autre créancier garanti, de cerner son exposition au risque face à un régime de retraite sous‑capitalisé prioritaire, puisque l’analyse nécessite la disponibilité des évaluations actuarielles, qui ne sont préparées que périodiquement. Les évaluations actuarielles représentent un reflet de la situation à un point défini dans le temps, se basent sur des hypothèses actuarielles susceptibles de varier selon la conjoncture économique, et produisent des obligations théoriques. Ceci réduira la transparence, ainsi que la capacité du prêteur et de tout autre créancier garanti à évaluer le risque auquel il s’expose.
De plus, des créanciers non garantis, comme les fournisseurs, dont la plupart sont de petites entreprises, feront également face à la possibilité de ne pouvoir recouvrer aucun montant dû, ce qui pourra affecter leur propre situation financière.
En somme, les modifications à l’ordre de priorité en cas de faillite représentent une sérieuse menace à cet équilibre délicat. Leurs effets se feront ressentir dans l’ensemble de l’économie, surtout si les changements proposés ne sont pas menés dans le contexte d’un examen plus vaste et plus complet de l’ensemble du cadre législatif sur l’insolvabilité.
Nous encourageons donc le Comité à étudier d’autres solutions possibles, notamment la possibilité pour les employeurs d’établir des réserves de liquidité et des fonds de garantie de pension, à l’instar du Royaume‑Uni, des États‑Unis, voire d’ici en Ontario.
Mesdames et Messieurs, merci encore pour cette occasion de fournir le point de vue des banques au Canada alors que vous étudiez le projet de loi C‑253. Nous serons heureux de répondre à vos questions.